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SEBASTIEN CASTELLO & JERÔME BOUCHAN

Sédentarisation et inactivité des jeunes.
Comment mettre en activité les élèves sans renoncer aux acquis moteurs ?

Présentation des intervenants

 

Jérôme Bouchan : master Santé Publique (Paris Orsay), lauréat agrégation externe EPS session 2021

Sébastien Castello : titulaire d’un master APA-S parcours APPCM (Rennes 2), enseignant d’EPS stagiaire, lauréat agrégation externe EPS session 2020

1. Concepts et enjeux

A. Concepts

L’activité physique (AP) se définit comme tout mouvement corporel entraînant une augmentation de la dépense énergétique​ (Caspersen et al., 1985). L’enjeu est donc de ne pas limiter ce concept au seul versant du domaine sportif. L’activité physique peut en effet se réaliser au travers des transports, des activités quotidiennes, tout comme des loisirs. Par ailleurs, le niveau d’AP est un facteur de prévention de la mortalité, et de la survenue de maladies chroniques, comme le diabète (type 2), l’obésité… (OMS, 2020). Etre physiquement actif permet donc d’avoir des bénéfices sur la santé. Néanmoins, le niveau d’AP n’est pas le seul à agir sur la santé, et il est à mettre en relation avec le niveau de sédentarité.

Le comportement sédentaire se caractérise par une faible dépense énergétique (proche de la valeur de repos), qui est souvent synonyme d’une position assise ou allongée. Etre sédentaire est aussi un facteur de risque pour la mortalité, et la survenue de maladies chroniques ; et de manière indépendante au niveau d’AP. Même s’il semble qu’un haut niveau d’AP réduirait les effets délétères de la sédentarité. L’enjeu sanitaire est donc diminué le temps sédentaire ET d’avoir un comportement actif dans la vie de tous les jours.

 

La condition physique renvoie à la capacité qu’à un individu à réaliser une tâche. Cette condition physique peut s’exprimer au niveau cardiorespiratoire, au niveau de la force, de l’explosivité, de la souplesse mais également au niveau de la motricité.

Bien que des relations contrastées existent dans la littérature (Armstrong et al., 2011), des liens existent entre activité physique et condition physique. En effet, Gerber et al., 2021, mettent en évidence, chez des élèves de primaire, que plus le niveau d'activité physique modérée à vigoureuse augmente plus les scores de condition physique cardiorespiratoire sont importants. 

B. Etat des lieux

Activité physique et sédentarité

Données Report Card 2020​ (données questionnaires)

50,7% (G) & 33% (F) des 6-17 ans sont suffisamment actifs​

40% (G) & 20% (F) chez les 15 – 17 ans​

73% sont trop sédentaires (2h par jour devant un écran)​

Données Lycée Anita Conti 2020-2021​ (données accélérométriques)

23% des élèves de seconde sont suffisamment actifs​

>99% sont trop sédentaires (plus de 7h par jour en position assise)

NB : ces données sont extraites du mémoire de Master 2 de S.Castello

Condition physique (Fühner et al., 2020)

 

Le graphique met en avant une baisse de l’endurance (ci-dessus à gauche) et de la puissance (mesurée dans les différentes études par un test de saut en longueur pieds joints et par un test de détente verticale) (ci-dessus à droite), depuis les années 1990, autant chez les garçons (courbe pleine) que chez les filles (courbe pointillés). L’intérêt de ces données c’est de cibler l’état de condition physique des élèves aujourd’hui pour permettre de construire des interventions ciblées et pertinentes au regard de leurs conditions de vie actuelles.

C. Recommandations

OMS(2020) : recommandations spécifiques jeunes de 5 à 17 ans​

A partir de 18 ans, les recommandations évoluent pour l’adulte. Il s’agit d’atteindre au moins 150 min d'AP modérée par semaine OU 75 min d'AP intense OU une combinaison des deux. Les recommandations à atteindre dans la vie d’adulte pour le futur adolescent apparaissent donc plus « faciles ». Transmettre un comportement actif au collège et au lycée a donc encore plus de sens.

En ce qui concerne la notion de sédentarité le fait de limiter les temps d’activité physique est intéressant non seulement à cause des méfaits de la position assise mais également pour libérer du temps pour la pratique d’une activité physique. En effet, une journée n’est pas à rallonge, le comportement physique se partage globalement entre le sommeil, l’activité physique (légère et modérée à vigoureuse) et la sédentarité. Libérer du temps de sédentarité peut permettre d’augmenter les niveaux d’activité physique mais ce n’est pas nécessaire. De nombreuses questions de recherches sont encore à creuser dans ce domaine notamment à travers l’approche CODA (Compositional Data Analysis) (Chastin et al., 2015).

D. Appui institutionnel

 La présence des questions liées à l’activité physique et à la sédentarité révèle une préoccupation importante du législateur qui peut être intéressante pour appuyer les projets allant dans ce sens.

Au travers du socle commun (S4C, 2015) : "enjeux de bien-être et de santé des pratiques alimentaires et physiques" (domaine 4)​.

Au travers des programmes EPS de lycée (2019) : "Au regard des enjeux de société, l’EPS contribue à développer une culture de l’activité physique régulière et durable, levier indispensable de l’amélioration de la santé publique particulièrement important, compte tenu du niveau de sédentarité des jeunes qui décrochent de toute pratique physique."​

2. L'activité de l'élève

Lorsque l’on construit une intervention il est nécessaire de cibler les pans de l’activité de l’élève sur lesquels le travail va porter.

L’activité de l’élève peut avoir lieu à l’école ou en dehors de l’école.

Au sein de l’école des temps obligatoires sont présents tels que l’EPS, mais l’activité des élèves peut également avoir lieu lors de temps facultatifs organisés par la communauté enseignante comme l’AS, ou auto-organisés comme ce qu’il est possible d’observer lors des récréations.

En dehors de l’école l’activité physique peut être présente sur des temps liés à la pratique d’une activité sportive mais également sur les différents déplacements ou autres activités quotidiennes telles que le bricolage, le ménage, …

 Mettre les élèves en activité sur des temps où cette activité est imposée est intéressant mais ne concerne au final qu’une partie de la vie physique de l’élève localisée dans l’espace et dans le temps. Si l’objectif est d’agir à long terme sur l’activité physique des élèves il est nécessaire de leur apprendre à gérer leur vie physique et de leur donner le goût de le faire. Ces éléments nécessitent des compétences spécifiques chez les intervenants, compétences qui font partie – en théorie – du bagage des enseignants d’EPS.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Afin de clarifier davantage le rôle que peut avoir l’EPS les intervenants ont présenté deux visions de l’EPS l’une pessimiste et l’autre optimiste décrivant la place de l’activité physique de l’élève EPS et ce qu’il en retient pour sa vie future.

D’un point de vue pessimiste nombreux sont les auteurs à mentionner un zapping important ne permettant pas de réel apprentissage ni de consolidation des acquis (Ubaldi, 2004). Cela ne peut que se traduire par un manque de confiance en soi de la part de l’élève. En effet, s’il pratique sans progresser il finira par attribuer cette absence de progrès à des caractéristiques qui lui sont inhérentes et se désengagera. De la même façon, il n’est pas rare de voir le plaisir qu’éprouvent les élèves en EPS diminuer au fur et à mesure de leur scolarité (Deslaurier, 2003). Cela peut se traduire dans leur vie future par une association négative avec l’effort et une préférence pour les activités à dominante sédentaire (sans coût énergétique important).

D’un point de vue optimiste, l’EPS doit permettre de réels apprentissages moteurs qui permettront au futur adulte de s’engager dans la plupart des activités physiques comme dans les divers modes de transports actifs. Néanmoins, si l’EPS ne donne pas à l’élève les clefs pour qu’il continue à enrichir sa motricité, ce dernier ne se voyant pas progresser risque de se désengager. C’est pourquoi l’EPS doit permettre à chacun de continuer à progresser et à développer se motricité tout au long de sa vie. L’EPS devrait également permettre à chacun d’être à l’écoute de son corps à l’aide d’une éducation aux ressentis. Ces divers ressentis pourront permettre à l’élève d’entretenir sa santé en étant davantage à l’écoute de son corps. Cette compétence pourra ensuite par exemple être mobilisée par les élèves dans un cadre d’ergonomie du travail : un élève à l’écoute de son corps pourra faire davantage attention à sa posture, et pourra limiter les périodes assises trop prolongées. Enfin en permettant aux élèves de vivre, d’éprouver le plaisir de la pratique physique, il peut être envisageable de leur donner envie de pratiquer en dehors de l’école.

Les déterminants de l’engagement à long terme de l’élève sont nombreux et pour la plupart bien documentés (voir notamment Travert et Rey, 2018). Ce sont donc diverses pistes que peut creuser l’enseignant avec ces élèves. Les intervenants mentionnent : le plaisir, le sentiment de compétence, la condition physique et les capacités qu’elle apporte, l’aspect social de la pratique physique, la possibilité au niveau de l’environnement de pratiquer et enfin les connaissances liées à la préservation de la santé.

3. Le rôle de l’enseignant

La plupart des déterminants mentionnés précédemment sont bien connus de la part des enseignants d’EPS. C’est pourquoi, et ce également pour des raisons de contraintes temporelles, que les intervenants ne les développeront pas tous.

Dans un premier temps, dans une optique de santé à long terme il paraît nécessaire de développer la condition physique des élèves au niveau cardio-respiratoire. En effet, cet aspect de la condition physique est très fortement relié à divers indicateurs de santé comme la qualité de vie ou l’espérance de vie. Or développer ses ressources au niveau énergétique nécessite de faire réaliser aux élèves des efforts importants. En effet et en simplifiant beaucoup, pour qu’une ressource se développe il faut que le corps en ressente la nécessité et donc que cette ressource limite à un moment la performance de l’élève. Il est donc nécessaire de faire vivre à l’élève des expériences qui ne sont a priori pas plaisantes, voire déplaisantes. Néanmoins grâce à la façon dont il habille l’effort (le groupe, le jeu, …) l’enseignant peut permettre aux élèves de réaliser des efforts importants et de s’y habituer (Méard, 2000). Certains s’arrêtent parfois au simple essoufflement !

Développer les ressources énergétiques des élèves c’est possible dans le temps dont on dispose en EPS à condition de le fixer comme objectif transversal et de le travailler de façon régulière quel que soit le champ d’apprentissage. En ce qui concerne les capacités aérobie un exemple peut être trouvé dans la revue EP.S (Lab, 1996). Il faudra toutefois faire attention à ce que les apprentissages visés n’empiètent pas sur les apprentissages spécifiques visés dans le cadre de ce champ.

Enfin, en ce qui concerne l’aspect motricité de la condition physique, il nous paraît intéressant de permettre à l’élève de développer un polyvalent c’est-à-dire un élève capable de se débrouiller dans la plupart des situations qu’il rencontrera. Cet objectif peut être atteint soit à travers des activités issues du monde sportif ou artistique mais également en s’inspirant des activités ludiques traditionnelles. L’important c’est de cibler quel aspect de l’activité sera retenu pour permettre à l’élève de réaliser des réels apprentissages dont il pourra être fier.

Enfin, afin de jouer le plus possible sur l’ensemble de la vie de l’élève l’enseignant gagne à s’impliquer dans des projets dépassants le cadre de l’enseignement de l’EPS.

Ils citent par exemple :

  • Le projet « 10 000 pas » met en place un espace collectif de pratique de la marche sur le temps du midi, afin que chacun atteigne l’objectif en équipe. L’évaluation du niveau d’AP pour chaque personne de l’établissement (organisé par les élèves eux-mêmes) en amont de l’intervention est aussi une voie de sensibilisation. Le projet promeut donc à la fois un comportement actif (via la marche) mais permet également une lutte contre la sédentarité, en transformant les habitudes des élèves sur le temps du midi (de sédentaires à actifs).

  • Le projet caravane santé mené dans le cadre de l’UNSS qui a pour but de tester la condition physique des élèves.

  • Le projet mené par les collègues d’EPS du lycée Anita Conti qui comporte plusieurs volets. La mesure de l’activité physique et de la sédentarité à l’aide d’accéléromètres et la remise aux élèves de rapports individualisés. Les partenariats avec un lycées professionnel et la région pour équiper le collège en matériel pour tests de condition physique, bureau marcheurs, vélos bureaux ou bornes de recharges de téléphones à pédales. Et enfin le partenariat avec la mairie pour la construction d’une structure de street-workout à côté du lycée.

Conclusion : la nécessité de s'ancrer dans une démarche inclusive.

En guise de conclusion les intervenants rappellent la nécessité de s’inscrire dans une démarche inclusive. En effet, en termes de quantité d’activité physique et de gestion à long terme de sa santé,  il est nécessaire de prendre en compte tous les élèves. En effet, ce sont ceux qui sont les plus éloignés de l’activité qui en ont le plus besoin !  

Merci à tous ceux qui étaient présents pour et la qualité des échanges et des débats que nous avons pu partager !

Bibliographie

Armstrong, N., Tomkinson, G., and Ekelund, U. (2011). Aerobic fitness and its relationship to sport, exercise training and habitual physical activity during youth. British Journal of Sports Medicine, 45(11) :849–858.

Caspersen, C. J., Powell, K. E., & Christenson, G. M. (1985). Physical activity, exercise, and physical fitness : Definitions and distinctions for health-related research. Public health reports, 100(2), 126.

Chastin, S. F. M., Palarea-Albaladejo, J., Dontje, M. L., and Skelton, D. A. (2015). Combined effects of time spent in physical activity, sedentary behaviors and sleep on obesity and cardio-metabolic health markers : A novel compositional data analysis approach. PloS one, 10 :e0139984.

Deslaurier (S.), « Plaisir perçu en EPS : quels liens avec la motivation des élèves ? » Hyper, n° 222, AEEPS, 2003.

Fühner, T., Kliegl, R., Arntz, F., Kriemler, S., and Granacher, U. (2020). An update on secular trends in physical fitness of children and adolescents from 1972 to 2015 : A systematic review. Sports Medicine.

Gerber, M., Ayekoé, S. A., Beckmann, J., Bonfoh, B., Kouassi, K. B., Gba, B. C., ... & Utzinger, J. (2021). Moderate-to-Vigorous Physical Activity Is Associated With Cardiorespiratory Fitness Among Primary Schoolchildren Living in Côte d'Ivoire, South Africa, and Tanzania. Frontiers in Public Health, 9.

Lab, F. (1996), Les capacités aérobies un objectif transversal., Revue EPS, 258

Méard, J. A. (2000). Donner aux élèves le goût de l’effort. L’effort, 77-88.

Travert, M., & Rey, O. (2018). L’engagement de l’élève en EPS. Dossier EPS, 85, 196.

Ubaldi, J. L. (2004). Une EPS de l’anti-zapping. Revue EPS, 309, 49-51.

WHO guidelines on physical activity and sedentary behaviour. Geneva: World Health Organization; 2020.

https://onaps.fr/report-card-2020/ --> report card 2020 de l'ONAPS

http://www.sciencesport.ens-rennes.fr/projet-scope/ --> projet SCOPE

https://www.unss.org/tests-valeur-physique --> caravane santé

https://ww2.ac-poitiers.fr/eps/spip.php?article375 --> projet 10 000 pas

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